Le Grand Débat Option Finance – Les chantiers en cours dans la gestion ESG

27/05/2020

 

Intervention de Sequantis (Nicolas Fournier) dans le Grand Débat organisé par Option Finance sur les chantiers en cours dans la gestion ESG  –  24/04/2020

Lien Option Finance

 

Grand débat Innovation : ESG – Les acteurs poussent à la standardisation

Face à l’avalanche réglementaire qui se profile en matière d’ESG et de climat, les gérants comme les investisseurs institutionnels prônent une plus grande standardisation des approches mises en place. Pour autant, celle-ci ne s’oppose pas à l’innovation qui reste soutenue pour faciliter l’accès aux données, renforcer la pertinence des dispositifs et surtout pour créer de nouveaux produits avec des profils marqués. Les initiatives devraient ainsi être nombreuses dans les prochains mois dans un secteur qui gagne en maturité et en expertise. Enfin, les participants au Grand Débat d’Option Finance espèrent que la crise sanitaire fera émerger de nouveaux sujets de discussion avec les entreprises et mettra en lumière la nécessité de généraliser les politiques de RSE.

 

En matière d’ESG, quels sont les chantiers en cours ? S’appuient-ils sur l’innovation ?

 

Matthieu Guignard, responsable du développement des produits et du capital market – Amundi ETF, Indexing & Smart Beta : Amundi a annoncé fin 2018 un plan d’actions à trois ans visant à amplifier ses engagements dans l’investissement responsable avec notamment un objectif de généralisation de la prise en compte des critères ESG dans les politiques d’investissement et de vote. La plateforme de gestion passive s’inscrit pleinement dans cette ambition. Si le développement de solutions indicielles responsables est une priorité forte depuis déjà plusieurs années, nous souhaitons aujourd’hui aller encore plus loin avec l’élargissement de notre offre de fonds ouverts. Nous prévoyons ainsi le lancement de nouveaux ETF dans les prochaines semaines de manière à couvrir les principales classes d’actifs et zones géographiques pour une allocation de portefeuille diversifiée. En parallèle de l’élargissement de notre offre de fonds ouverts, nous continuons à accompagner nos clients via des solutions d’investissement sur mesure à travers des mandats ou des fonds dédiés. Nous observons en particulier une demande forte pour notre expertise climat et pour l’offre de «décarbonisation» sur mesure qui est d’ores et déjà proposée et mise en place pour de nombreux clients, que ce soit dans de nouveaux mandats ou dans leurs portefeuilles existants. Ce que nous observons en particulier à travers nos échanges avec de nombreux investisseurs, qu’ils soient institutionnels, gérants de portefeuille ou distributeurs, c’est qu’il existe aujourd’hui une grande variété d’approches et de philosophies en matière d’investissement responsable. La force d’Amundi, en tant que partenaire et fournisseur de solutions, c’est d’être en mesure de répondre à la demande de nos clients avec des produits ou des solutions reflétant ces approches variées et en tenant compte par exemple de leurs contraintes en matière de tracking error souhaitée.

Joël Prohin, directeur du pôle gestion des portefeuilles de la Caisse des Dépôts (CDC) au sein de la direction des gestions d’actifs : Les chantiers en cours sont nombreux. En 2019, nous avons mis en place un portefeuille expérimental sur les ODD (Objectifs du développement durable de l’ONU) et, si cette expérience est concluante, nous devrions l’étendre à des volumes d’encours plus importants. Autre exemple : nous avons adhéré comme membre fondateur à «United Nations Net Zero Asset Owner Alliance». Ce groupement compte plus de 20 grands investisseurs institutionnels mondiaux qui se sont engagés à ce que leurs portefeuilles émettent zéro carbone d’ici 2050. Cette initiative repose sur des groupes de travail multiples qui nous permettent de définir une stratégie commune pour atteindre cet objectif. Il ne doit pas l’être en excluant les grands secteurs émetteurs, mais en étant en prise avec l’économie réelle afin de l’orienter vers une trajectoire qui soit compatible avec un objectif de réchauffement climatique limité à 1,5 degré.

Ama Seery, analyste extra-financier et spécialiste du développement durable chez Janus Henderson : L’année dernière, dans notre Rapport annuel sur le développement durable, nous avons publié la contribution du portefeuille, en pourcentage, à chaque ODD. Les résultats ont aussi été présentés lors de l’événement organisé par Option Finance en décembre, avec une explication détaillée de notre méthodologie. Nous sommes également membres fondateurs de l’initiative Net-Zero Carbon 10 target (NZC10). A l’heure actuelle, l’objectif fixé est de parvenir à ce que 10 % ou plus des actifs du portefeuille soient investis dans des entreprises qui sont neutres en carbone (émissions nettes de carbone nulles), ou qui mettent en œuvre des stratégies réalistes utilisant les technologies actuelles pour parvenir à des émissions nettes de carbone nulles d’ici 2030, le gérant du fonds s’engageant activement auprès des entreprises pour y parvenir. Le portefeuille dépasse déjà cet objectif. Cette initiative est complémentaire de celle des Nations unies, la Net Zero Asset Owners Alliance.

Nicolas Fournier, co-fondateur de Sequantis : Nous travaillons pour une cinquantaine de clients institutionnels, principalement des mutuelles et des compagnies d’assurances. Ces clients travaillent avec nous sur différentes problématiques. La première porte sur la «transparisation» des fonds, ils sont nombreux dans ce cadre à nous demander d’établir une note ESG qui soit normalisée pour l’ensemble de leurs portefeuilles. Il existe en effet une multitude d’agences extra-financières avec des approches spécifiques, et de même, chaque gérant d’actifs développe sa propre méthodologie. De ce fait, il est complexe pour un institutionnel de comparer des notes ESG. Un autre chantier sur lequel nous travaillons depuis l’an dernier relève des stress tests climatiques. Ces derniers ont été initiés par la Banque d’Angleterre qui a demandé ce calcul sur la base du volontariat aux compagnies d’assurances et aux mutuelles. Nous nous sommes penchés sur le sujet et nous nous sommes rendu compte que l’analyse d’un portefeuille institutionnel tel que nous la faisions jusqu’à maintenant ne suffisait plus. Il faut non seulement «transpariser» tous les fonds et l’ensemble des instruments utilisés, y compris les produits dérivés, mais aussi détailler les composantes de chaque entreprise. Si on prend l’exemple d’Arcelor Mittal, cette société intervient dans l’acier, le charbon, elle procède à de l’extraction, à la fabrication de fer, d’acier brut, elle possède aussi une flotte de bateaux et des ports. Des activités différentes avec une empreinte climatique différente. Cette décomposition par activité est nécessaire pour établir un stress test climatique, elle devra aussi à terme intégrer la localisation de chaque entité.

Florent Deixonne, responsable de l’investissement socialement responsable chez Lyxor AM : Nos équipes couvrent à peu près toutes les classes d’actifs à travers différentes méthodologies. Nous essayons dans ce cadre de développer des approches innovantes afin de nous différencier sur le marché et de répondre aux problématiques des investisseurs qui sont très diverses. Il faut en effet souligner que lorsque l’on s’adresse à un institutionnel, à un fonds souverain ou à une banque privée, les attentes et les motivations ne sont pas les mêmes. Les typologies de clients sont très diverses. Enfin, il ne faut pas sous-estimer les différenciations géographiques car les cultures et les maturités sont différentes. Un client américain aura une vision différente de celle d’un client asiatique ou venant de l’Europe du Nord. D’ailleurs, ces appréciations différentes ont entraîné un certain manque de cohérence en termes de sémantique vis-à-vis de l’ESG ces dernières années, mais celle-ci est en train de se normaliser notamment grâce aux réglementations.

Isabelle Combarel, directrice générale adjointe chez SWEN Capital Partners : Cette différenciation porte aussi sur les classes d’actifs. Certaines disposent d’un plus long historique et d’une plus grande maturité que d’autres. Les acteurs spécialisés dans le non-coté se sont intéressés à l’ESG plus tardivement à partir de 2012 avec une accélération en 2017. Ces avancées butent sur une difficulté : l’accès aux données. En 2012, nous ne disposions d’aucune donnée extra-financière communiquée par les entreprises, il a fallu aller les chercher. Les rares acteurs intéressés ont ainsi développé une approche spécifique. Mais désormais, il faut mettre en œuvre progressivement une certaine standardisation car nous nous adressons à des institutionnels qui travaillent avec de nombreux prestataires et ont besoin de reportings homogènes. En ce sens, nous avons notamment harmonisé nos questionnaires ESG annuels avec d’autres investisseurs institutionnels de renom (CDC, BPI et Idinvest) au sein d’un groupe de travail de la Commission ESG de France Invest. L’innovation dans nos métiers porte ainsi à la fois sur les produits que nous gérons et sur l’accès aux données. Nous avons constitué en sept ans une base de données conséquente sur l’ensemble des entreprises non cotées européennes que nous finançons directement ou indirectement. Nous pouvons grâce à cela calculer nos propres benchmarks extra-financiers. Nous avons complété ces analyses par la mise en place d’un dispositif de suivi des controverses au quotidien qui s’appuie sur des alertes «Google» et des prestataires externes, et qui nous permet, tous les matins, d’analyser toutes les nouvelles concernant nos participations. Nous ciblons ici plus particulièrement le risque de réputation. Ces outils sont importants car les informations sont seulement trimestrielles dans le non-coté, il existe ainsi un décalage dans l’accès à l’information, qu’elle soit positive ou négative. Nous travaillons aussi sur le risque climat. Nous sommes conscients que nous allons devoir à terme fournir des stress tests sur le climat. Nous cherchons à intégrer ces problématiques liées au climat à nos référentiels de données. Nous allons par exemple collecter toutes les adresses des sites industriels de nos participations pour mieux évaluer notre risque physique. Enfin de manière plus large, nous cherchons en permanence à mieux mesurer notre degré d’alignement à la transition écologique et énergétique. C’est notamment dans cette optique que SWEN Capital Partners a décidé de rejoindre en 2020 la NEC initiative pour déployer cette méthodologie open source d’empreinte environnementale. Ces innovations méthodologiques sont au service du client et elles s’accompagnent du lancement de nouveaux produits. Nous avons par exemple récemment créé un nouveau fonds d’impact sur le financement du biogaz en France.

 

Lien : l’actualité des participants
Option Finance – 24 avril 2020 – Sandra Sebag