La règlementation bouleverse la distribution (article Option Finance)

02/05/2018

Sequantis dans la presse  –  Intervention de Nicolas Fournier – Article de Sandra Sebag, paru dans Option Finance (22/01/2018)

 

La directive MIFID 2 et le règlement Priips introduisent de nouvelles obligations en matière de transparence sur les frais, les performances ou encore les risques portés par les fonds. A cela s’ajoutent une interdiction des rétrocessions et des règles plus strictes en matière de distribution. Ces évolutions conduisent les distributeurs, et notamment les compagnies d’assurance, à réduire les gammes proposées aux épargnants.

Depuis le 1er janvier 2018, les sociétés de gestion vivent une petite révolution avec l’entrée en vigueur de la directive MIFID 2 parallèlement à celle du règlement Priips. Le premier porte en effet sur un très grand nombre de sujets, allant de l’exécution des ordres à la transparence des frais de gestion en passant par le financement de la recherche et les relations entre les producteurs et les distributeurs de produits d’épargne. Ce dernier aspect est aussi abordé par le règlement Priips qui s’adresse aux compagnies d’assurance et aux fonds qu’elles proposent dans le cadre de l’assurance vie. Dans les deux cas, les autorités européennes ont à cœur d’augmenter l’information des épargnants, de leur permettre de comparer les produits en termes de frais et de performance et de créer ainsi un véritable marché de l’épargne en Europe. Compte tenu des ambitions portées par ces projets, ils ont nécessité des investissements très conséquents de la part des sociétés de gestion pour se mettre en conformité. «Nous estimons que ce chantier réglementaire a mobilisé près de 2 000 jours-homme, indique ainsi Jean-Marie Catala, directeur général délégué de Groupama Asset Management. Il a notamment fallu produire de très nombreux nouveaux documents, modifier les process de gestion administrative et financière et développer de nouvelles fonctionnalités dans nos outils IT.»

 

Une transparence plus grande

D’un point de vue opérationnel, outre le fait qu’ils s’adressent à la distribution de fonds, ces deux textes ont en commun de chercher à augmenter la transparence sur les produits. Si MIFID 2 vient d’entrer en application dans son intégralité, au 1er janvier, l’obligation d’information des clients interviendra en plusieurs étapes dans le cadre de Priips (voir encadré). Mais dès à présent, les sociétés de gestion doivent fournir des informations aux compagnies d’assurance afin que celles-ci puissent mettre à la disposition de leurs assurés un reporting détaillé sur les fonds et/ou sur les contrats d’assurance vie. Si la volonté du régulateur a été d’harmoniser les informations disponibles sur les fonds quel que soit le contrat dans lequel ils s’insèrent, il existe tout de même des différences entre les informations à délivrer dans le cadre de Priips et dans celui de MIFID 2. A ce titre, les sociétés de gestion doivent fournir dans le premier cas des scénarios de performance et des indicateurs de risque spécifiques et détailler l’ensemble des frais de gestion en montant en euros, et non pas en pourcentage comme dans le cadre des fonds. De son côté, MIFID 2 intègre un volet appelé gouvernance des produits qui force les sociétés de gestion à définir pour chaque fonds des objectifs et un marché cible, ces informations doivent être adressées à chaque distributeur qui les prendra en compte dans sa stratégie, à charge pour les gérants de contrôler que les distributeurs le font correctement. Des procédures assez lourdes à la fois pour les producteurs et les distributeurs qui se conjuguent parallèlement à une interdiction, prévue par la directive, de l’usage des rétrocessions, c’est-à-dire du versement de commissions de la part des producteurs aux distributeurs, si ces derniers se déclarent indépendants. Celle-ci a donné lieu à une adaptation de l’offre des gérants qui ont dû créer des parts de fonds spécifiques, les clean shares, avec des niveaux de frais faibles et qui s’adressent spécifiquement aux indépendants du patrimoine. «Il s’agit d’un chantier important, témoigne Jean-Marie Catala. Il faut modifier la documentation réglementaire de l’OPCVM, et celle-ci doit être visée par l’Autorité des marchés financiers.» Les gérants ont dû procéder de la sorte pour les principaux fonds de leurs gammes. «Nous avons créé des clean shares pour les fonds les plus utilisés par les distributeurs et les conseillers en gestion de patrimoine, poursuit Jean-Marie Catala. Ce processus est presque achevé.» De leur côté, les distributeurs vont devoir aussi informer les clients de l’existence de ces nouvelles parts et les faire basculer vers celles-ci. Des chantiers qui viennent tout juste d’être engagés. «Nous n’assistons pas, pour l’instant, à un basculement massif des clients vers les clean shares, car cela prend du temps pour les distributeurs et les CGPI de contacter et d’informer tous les clients», indique Jean-Marie Catala. D’autant qu’il faut aussi prévenir ces derniers du changement de mode de rémunération et les persuader de verser des honoraires…

 

Des débouchés restreints

Il faudra certes encore du temps pour évaluer les conséquences de ces textes, mais les professionnels soulignent déjà que contrairement à la volonté des autorités européennes, les changements opérés sont, pour l’instant, assez neutres en termes de frais de gestion. En effet, la mise en conformité a été coûteuse pour les sociétés de gestion qui ne sont donc pas enclines à baisser leurs frais. En revanche, ces changements réglementaires ont déjà, en ce qui concerne le règlement Priips, un impact sur la distribution des fonds via les contrats d’assurance vie. «Le coût de production des nouveaux reportings est élevé pour les compagnies d’assurance, indique Jean-Marie Catala. Elles ont de ce fait commencé à rationaliser les gammes de fonds proposés dans le cadre des supports en unités de comptes. La capacité à mettre à la disposition du public un grand nombre de fonds n’est maintenant plus un argument commercial, les compagnies d’assurance mettant davantage en avant leur capacité à proposer une allocation d’actifs adaptée aux besoins du client et à conseiller les clients.» Un changement qui a été souvent radical. «Nous ne parvenons plus, depuis plusieurs mois, à faire référencer de nouveaux fonds», témoignent plusieurs sociétés de gestion…

Cette évolution pèse davantage sur les petites sociétés de gestion indépendantes qui ne disposent pas de réseaux captifs. «Les grandes sociétés de gestion disposent de larges palettes de produits qu’elles peuvent mettre à la disposition des CGPI et des distributeurs qui peuvent accéder à l’ensemble des produits nécessaires à leurs clients à travers un même système d’information, relève Jean-Marie Catala. A ce titre, accéder à l’offre des grandes sociétés de gestion peut paraître moins coûteux et nécessite moins de développements informatiques que de devoir se brancher chez différents acteurs de plus petite taille avec à chaque fois un dispositif d’échanges d’informations spécifique.» Pour être malgré tout référencés, les petits acteurs doivent disposer d’un ou deux produits phares très performants et connus du grand public. «Les distributeurs sont intéressés par des fonds “originaux” développés par de petites sociétés de gestion sous réserve que ces fonds disposent d’un encours suffisant (en général supérieur à 100 millions d’euros) et de performances reconnues sur au moins trois ans», souligne Jean-Marie Catala. Elles rencontrent d’autant plus de difficultés qu’elles subissent – du fait de MIFID 2 et de l’interdiction des rétrocessions – une nouvelle concurrence. «Pour augmenter leurs revenus, certains distributeurs ont décidé d’internaliser la gestion d’actifs, soit en rachetant une petite structure, soit en créant leur propre société de gestion», relate Guillaume Abel.

Et même pour les grands établissements, ces changements ne sont pas de tout repos : il va en effet falloir faire la différence pour être sélectionné par les compagnies d’assurance. «Pour rester référencé, il faudra mettre en avant un process de gestion atypique qui se démarque, des performances pérennes en absolu et en relatif par rapport à la concurrence et un service administratif de grande qualité», affirme Jean-Marie Catala. Cela se traduit aussi par une rationalisation des gammes et des choix faits en matière de distribution. «Les sociétés de gestion cherchent à mieux cibler leurs partenaires de distribution en ne gardant que ceux qui contribuent significativement à la collecte, relève Antoine Pertriaux, associé chez Cognizant Business Consulting. Elles concentrent aussi leurs gammes afin de posséder des fonds avec des encours conséquents.» Pour se démarquer, elles s’appuient aussi sur un chantier mené en parallèle : la digitalisation. «Ces textes sont arrivés alors que les sociétés de gestion ont entamé leur transformation digitale, indique Guillaume Abel. Celle-ci permet non seulement de sécuriser les échanges de données et de les simplifier, mais aussi d’accroître l’information délivrée aux clients finaux et les services qui leur sont proposés.» Mais préalablement, les sociétés de gestion vont déjà devoir faire connaître leur marque auprès du grand public, ce qui constitue pour certaines une véritable révolution.

 

Priips : un impact accru sur la distribution en 2019

L’objet du règlement Priips est de permettre aux épargnants européens de pouvoir comparer les fonds d’investissement quel que soit le contrat dans lesquels ils s’insèrent ou quel que soit le distributeur. Il s’adresse plus particulièrement aux compagnies d’assurance afin que celles-ci soient soumises aux mêmes normes que les sociétés de gestion ou encore aux prestataires de services d’investissement. Ces acteurs doivent dorénavant fournir un reporting (KID) normé à leur client. «Les compagnies d’assurance avaient le choix entre opter pour un KID générique pendant une période dérogatoire de deux ans – elles n’auront alors qu’un reporting par contrat à établir – ou fournir un KID par fonds, indique Nicolas Fournier, cofondateur de la Regtech Sequantis, en charge de l’offre Priips. Les compagnies d’assurance françaises ont majoritairement choisi la première option.» Elles devront tout de même, au terme de cette période, fournir des reportings par fonds. A la même échéance, les sociétés de gestion devront avoir adapté leurs reportings afin de les mettre à la disposition des compagnies d’assurance.

Parmi les changements notables, les frais vont devoir apparaître non pas en pourcentage, mais en montant. «Exprimé les frais en montant total sur l’ensemble de la période d’investissement va faire prendre conscience aux particuliers de l’importance des sommes versées aux distributeurs et les conduire à les comparer davantage», poursuit Nicolas Fournier. Ils auront d’autant plus la capacité de le faire qu’en parallèle, la Commission européenne va lancer un audit de tous les comparateurs en ligne. «Cette dernière va analyser les informations utilisées par les comparateurs en ligne et pourrait, s’ils n’appliquent pas les mêmes calculs, imposer une méthode uniforme afin de permettre aux épargnants européens de véritablement comparer les prestataires», affirme Nicolas Fournier.

 

MIFID 2 : un texte à la portée multiple

La directive intègre deux grands volets. Une partie importante est consacrée, au travers du règlement MIFIR, à la structuration des marchés. Il est prévu dans ce cadre d’introduire une nouvelle catégorie de plateformes de négociation (les OTF) ainsi qu’une obligation de négociation des actions et produits dérivés éligibles à la compensation sur des lieux d’exécutions organisés ou encore un renforcement des exigences de transparence pré et post-négociation, ainsi qu’un encadrement du trading algorithmique et du trading à haute fréquence. En parallèle, le texte intègre des évolutions importantes dans le domaine de la protection des investisseurs en renforçant le dispositif en matière d’«inducements» (rétrocessions et financement de la recherche notamment), mais aussi des obligations concernant la best execution, c’est-à-dire l’exécution dans les meilleures conditions.
Les sociétés de gestion ont ainsi dû mener plusieurs chantiers de front. «Nous avons identifié cinq catégories de changements : l’exécution des ordres, les frais, le ciblage des produits en fonction de la clientèle et la diffusion des données, les alertes à fournir aux clients en cas de variation de la valeur des mandats de plus de 10 %, et la gestion des rétrocessions, relève Guillaume Abel, directeur du développement à La Banque Postale Asset Management (LBPAM). Ces changements se sont traduits par autant de projets différents qui ont mobilisé nos collaborateurs.»